QUOI FAIRE DE MA PEAU de Amandine Monjeau ajouté par Leila Cougouilles

Élastomère, latex, cuir végétal

L’élastomère ça n’a pas de pores, ça ne respire pas. Amandine joue avec la matière. C’est lisse, rose, luisant. Propre d’une certaine manière, terriblement flippant aussi. C’est son histoire personnelle qu’elle malaxe, les mains dans le plastique. Les étapes expérimentales se succèdent et la renvoient à son processus de vie.

La couche élastomère recouvre tout, vernis généreusement étalé par sa grand-mère sur l’histoire familiale, elle a enfermé Amandine et sa famille dans une plasticité impeccable et impénétrable. Une couche extérieure qui empêche toute ouverture, et dans laquelle on se perd jusqu’à ne plus se souvenir de qui l’on est. Un salon de grand-mère recouvert par cette peau lisse et rose. L’installation d’Amandine suscite des sentiments étranges, mêlés, entre le rejet et la fascination. Elle la couple avec des vidéos où elle travaille essentiellement le son, la voix, et le travail d’une autre étudiante qui projette des images.

De cette recherche du lisse, Amandine s’est ensuite tournée vers le latex, plus irrégulier, assez dégueulasse et à la fois plus doux, plus sain. On s’y sent mieux.

Le processus continue, et ce qui émerge dans ses recherches de matière la renvoie à l’évolution de son rapport à sa propre peau. La dernière est un cuir qu’elle a fait à partir du scoby de kombucha (cuir végétal).

Je ne sais pas quoi faire de ma peau.. elle est toute collante et elle pue. J’aimerais en faire quelque chose mais je n’en ai qu’une seule et j’ai peur de l’abîmer. Je crois que je vais tenter de la découper pour la montrer.

Couche après couche, sa peau s’est transformée en frontière, alors qu’elle peut être le début de quelque chose. La peau est l’endroit où l’on interagit avec autrui, où l’on peut commencer à partager, à construire.

Le travail d’Amandine est une communication constante d’elle à elle-même à travers le médium que constitue la matière. Matérialisation mouvante de ses étapes intérieures, son travail permet de placer ses mots et son regard pour s’appréhender avec plus de recul.