Fragments et accumulation de Anouk Font ajouté par Axelle Gonon

Si je dois décrire un protocole pour parler du travail d'Anouk il s'agirait en premier lieu d'une déambulation dans l'espace urbain, pour se nourrir de ce qu'elle voit. Elle a fait le choix de l'espace urbain car c'est un lieu où les architectures témoignent le mieux de notre société, un lieu composé de structures et un lieu ordonné. C'est une déambulation documentaire où elle récolte des fragments de forme, de ligne. Le travail d'Anouk nous parle de la société et sa quantité d'information, d'objet de forme, de ligne, d'accumulation et de quantité. Cette quantité qui perd en qualité, et se rapport que nous avons aujourd'hui aux objets. Une société de consommation qui nous créait de faux besoins, nous fait croire que nous sommes incomplet tant que nous ne sommes pas en possession de tel ou tel objet. Cet objet qui se transforma d'ailleurs vite en déchet.

En second lieu, à partir de ces récoltes, de façon instinctive, elle construit dans l'espace fermé de sa feuille des lignes directrices, une sorte de structure de base. Puis elle dessine des formes, des perspectives qui deviennent une accumulation d'éléments dans lesquels on se perd, cette superposition de lignes et de forme déstructure l'espace. Cette accumulation créait un chaos, à l'image de notre société, quand il y a trop de règle celles-ci deviennent illisibles. Anouk transforme ce qu'elle récolte, en passant tant bien par un travail d'intellectualisation avec des lectures et recherches notamment sur Jean Bodrillard ainsi que Walter Benjamin . Puis par un travail plastique très instinctif, personnel et sensoriel. Elle nous offre une nouvelle lecture en transformant un espace réel en espace fictif.

Nous avons sélectionné ensemble trois de ses projets qui découlent les uns des autres. Il s'agit de trois dessins : Le premier est un format A3, fait au feutre fin noir. Celui-ci est plutôt futuriste dans ses formes, ses lignes et ses perspectives. Ce sont des lignes et cadres que l'on retrouve dans l'architecture industrielle. Le medium participe à cette rigidité des lignes. Ce premier dessin est alors le point de départ d'une réflexion : l'accumulation créait un chaos.

Pour le deuxième elle change alors de médium, le fusain permet de marquer le mouvement, permet une liberté et une fluidité. Mais le choix de ce médium est avant tout instinctif. Le format Grand Aigle permet également une plus grande liberté du geste. Dans ce deuxième dessin on peut entrevoir des objets plus gros, des formes plus organiques, dans un espace intime. Cette accumulation d'objet forme un chaos, mais un chaos plus personnel et plus sentimental. De plus le spectateur peut avoir une lecture plus libre et personnel que dans le premier dessin.

Le dernier, lui, retravaille un espace architectural en le repensant grâce au médium. En effet le fusain va permettre de libérer les lignes trop rigides et l'aspect lisse et futuriste que l'on obtient avec un stylo. Ce troisième dessin reconstitue un espace imaginaire, impossible à vivre, avec des perspectives erronées. Anouk y a ajouté des personnages. Ils semblent déambulés dans ces formes et ces espaces comme elle-même le fait dans la phase initial de son travail. Ce n'est pas la silhouette qui se perd mais c'est l'espace et toutes ces lignes qui le perdent.